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Une base allemande stratégique

et devient un point de départ dans la bataille d’Angleterre
(juin 1940- 1941)

Le 12 juin 1940, l’armée allemande occupe Évreux et le 21 juin la Luftwaffe se pose sur le terrain d’aviation. L’armée de l’air allemande s’installe progressivement et après une période d’abandon des installations, la Luftflotte 3 choisit le site Évreux-Fauville pour y établir une base aérienne. Une vaste opération de restructuration et de modernisation de l’aérodrome est alors lancée car les bombardiers allemands avaient causé beaucoup de dégâts, visant les bâtiments dédiés à la formation des pilotes et les hangars où stationnaient les appareils. Il faut donc réparer, reconstruire et créer de nouvelles infrastructures.

Prisonniers de guerre français au travail sur la base, août 1940
Collections du Musée de la base aérienne 105. © Stéphane Vuillemin

La base va fortement évoluer durant l’occupation allemande, les travaux sont assurés par le Luftgau Westfrankreich. De 700 hectares avant la guerre, elle s’étend sur les villages environnants d’Huest, Gauciel, Fauville, le Breuil et jusqu’à Évreux, englobant désormais 1500 hectares. De vastes installations sont aménagées pour accueillir pilotes et avions : la première piste en dur est construite vers 1941 et mesure 1600 mètres de long. Un nouveau dépôt de munitions, raccordé à la voie ferrée, est érigé dans le quartier ébroïcien de Nétreville. Pour protéger les chasseurs et bombardiers de la Luftwaffe, de fausses pistes, portant de faux Junker 88 et Messerschmitt 109, sont installées aux abords de la base, afin de tromper les bombardiers ennemis. Ces travaux d’envergure mobilisent une main-d’œuvre importante, dont les prisonniers de guerre issus des troupes coloniales. Il est également probable que les Allemands aient utilisé les matériaux prévus pour construire l’usine blindée dont le chantier était en cours en 1939.

Le terrain d’Évreux-Fauville se voit octroyer une mission essentielle à partir de l’été 1940 alors que la base est en plein travaux : décoller pour aller bombarder l’Angleterre. Y sera d’ailleurs stationnée quelque temps la célèbre escadrille Richtofen, avec ses Messerschmitt 109, avant son départ pour Beaumont-le-Roger. Elle sera remplacée par le Kampfgeschader 54 (KG 54), surnommée « totenkopf » du Ve Fliegerkorps. Cette escadrille est spécialisée dans les bombardements de nuit qui, partant d’Évreux, reviennent atterrir le lendemain matin sur les terrains proches de Saint-André de l’Eure ou de Dreux afin de tromper la chasse anglaise. Les pilotes pour s’entraîner, larguent des bombes en ciment de 250 kilos ne possédant pas de charge explosive mais pourvues d’alvéoles dans lesquelles étaient placés des fumigènes qui s’allumaient dès que s’ouvraient les trappes à bombes, ce qui permettait à un instructeur au sol de suivre les trajectoires. Ces bombardements d’essais avaient lieu dans la forêt de Saint Michel ou un très grand nombre de bombes furent retrouvées.

Placée sous le commandement du Colonel Otto Höhne, l’escadron de combat KG 54 est équipé du tout nouveau bombardier moyen de la Luftwaffe, le Junkers Ju-88 A. La Luftwaffe a choisi aussi Évreux pour mettre au point une petite bombe de 7 à 8 kilos, qui explosait, larguée par des chasseurs au-dessus des bombardiers alliés, causant ainsi leur perte, soit par collisions soit du fait des effets de souffle. Le KG 54 prend ainsi part régulièrement aux opérations de la bataille d’Angleterre mais endure des pertes importantes. À la fin du mois d’octobre 1940, le Feldmarshall Hermann Göring, procède à une vaste tournée d’inspection en Normandie et fait halte à cette occasion, sur les bases de Beaumont-le-Roger et d’Évreux. Il cherche sans doute à remonter le moral des équipages épuisés par une année d’opérations intensives, la bataille d’Angleterre se soldant par un échec pour la Luftwaffe.


Pour en savoir plus : lire le chapitre écrit par Jérôme de Lespinois « La base aérienne d’ Évreux-Fauville au cœur des opérations de la Luftwaffe (1939-1944) », in Aéronautique et relations franco-allemandes dans l’Eure (1870-2021), éditions Pierre de Taillac, Paris, 2021.